Signaux de brume

Publié le par Maurice-J. Estrade

Entre chien et loup ou inversement ; quand la nuit se mêle au jour ou quand l’aube à peine prononcée profile des formes, un léger répit s’établit, une phase lascive et nue, épurée de tout, s’étend dans le voisinage de l’abstrait. Li Xin, attiré par ces paysages baignés d’instants propices à cette douce éclosion de nappes indolentes, où le ciel et la terre s’offrent en partage les multiples gris de la coalescence, propage cette union du blanc et du noir où s’ébauche du sens, une beauté sourde dans une vastitude anonyme.
Montagnes, lacs, forêts, étendues ombreuses se confondent dans l’évanescence perlée de l’incertain, dans cette mouvance de l’induit où la nuit et la clarté mêlent leurs couleurs jusqu’à laisser transparaître, pressentir l’origine sommeilleuse du commencement. Tout s’aplanit, se lisse, se déprend de toute forme vraiment identifiable, s’imprègne du mystère des origines sans plus rien à saisir, à s’emparer: l’avidité de la forme s’annule dans le vide de l’informe. Naît de cet espace fluide et transparent un silence infini qui, au-delà de toute représentation, s’accomplit dans le mystère d’un ailleurs oublié.
À cette onde majestueuse des gris s’ajoutent parfois de larges bandes blanches et noires comme des horizons aveugles ne renvoyant que l’absence de toute finitude ; un bout du monde sans fond, un trésor de lumière, noir comme le mystère de la nuit ou blanc comme la clarté crue de la révélation. Dans un perpétuel mouvement, la nature se transforme invisiblement, elle est différente à chaque instant sans que le cours de ce changement soit perceptible. Elle apparaît à point nommé de nos sens. Comme l’indique Li Xin: " La nature se déployant à ma vue est une métamorphose en perpétuelle évolution. Je suis donc saisi par la petitesse de mon être dans cet espace fabuleux ".
Cet espace, l’artiste sait en rendre toute la profondeur par cette fusion fluide de l’encre de Chine qui glisse sur le papier de riz avec rapidité et imbibe la surface spontanément avec la fluidité vaporeuse de la transparence. Surgissent çà et là quelques échancrures de bleu ou de rouge comme crépuscule ou lointain auroral renforçant les gris dans leur demeure seigneuriale de la métamorphose. Au bord de la connaissance, le gris ourlé de mille nuances, s’aventure aux portes de l’inconscient et intercède pour plus de clarté, pour un moindre obscurcissement de la demi-conscience.
Li Xin, né en 1973 à ShaanXi en Chine, diplômé de l’Institut Central des Arts Décoratifs à Pékin, s’inspire essentiellement des images de son enfance, où, de son jardin, il voyait le fleuve Jaune, le jeu des nuages à la surface de l’eau, la navigation des bateaux au lointain et, au-delà, les cimes des montagnes qui fuyaient à l’infini, l’ensemble baignant dans un brouillard filant les gris de l’indéterminé. Vit et travaille depuis 2002 à Paris, où il expose dans des galeries de la Capitale, et en occurrence, à la Galerie Gimaray, 13 rue de Seine à Paris 6e qui possède e permanence un certain nombre de ses œuvres.
Au risque de se perdre dans cette constante transformation des éléments où les surfaces glissent silencieusement les uns sur les autres et tantôt se fixent en des reflets gorgés de lumière fluidique comme l’imminence d’un avènement, en suivant l’artiste dans cette errance du fabuleux, sous l’empire du gris, toute perdition ne peut qu’être salvatrice.
Par Maurice-J. Estrade
" L’artiste du mois "
N°156 – janvier2006 – Gestion de Fortune

Publié dans presse

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